Le neuropouvoir va servir de support à l’atteinte de buts par les individus et institutions. Si ces buts peuvent dans les faits se présenter sous une infinité de formes différentes, on peut trouver dans les jeux du neuropouvoir des enjeux majeurs qui concernent une grande partie des acteurs et actrices décrites dans les articles précédents.
La souveraineté, la santé, la vérité, le capital économique et le prestige sont à mon avis les enjeux les plus importants du neuropouvoir car ils sont présents à tous les échelons du pouvoir, pour chaque catégorie, avec des sens exacts qui vont varier, fournissant aux individus et institutions la structure des oppositions sur laquelle elles se polarisent.
Selon les catégories, et selon les différents groupes à l’intérieur, ces enjeux vont revêtir différentes formes, et différentes significations. De même, ces catégories et sous-catégories vont disposer de plus ou moins de ressources pour faire valoir leur intérêt dans les luttes autour de ces enjeux. Il est à mon avis important d’avoir en tête que ce sont ces enjeux qui sont recouverts par le neuropouvoir, et qui vont être l’objet de la neuropolitique.
La souveraineté :
La souveraineté a deux sens traditionnels : celui de souveraineté des États et celui de souveraineté des peuples. Dans les deux cas, la souveraineté correspond à la capacité effective d’action sur son territoire d’une institution, d’un groupe social ou d’un individu, et donc à sa capacité à empêcher une ingérence extérieure. En négatif se dessine l’enjeu miroir de la souveraineté, la capacité d’ingérence.
Les différentes catégories et sous-catégories vont alors se répartir selon qu’elles aient plus ou moins de capacité effective d’action, de capacité à contrer l’action extérieure et de capacité d’ingérence. De façon générale, toutes s’emploieront à essayer de développer le plus possible ces trois modes de la souveraineté, à leur échelle. On peut les voire comme des déclinaisons de la neuropolitique.
Les consommateurs et consommatrices vont manifester leur souveraineté seules ou en organisation. Elles tenteront d’obtenir une capacité d’action sur leur consommation, sur ce qu’elles peuvent se procurer et sa qualité, sur leur confort général, etc. Elles essayerons de se protéger de l’ingérence des autres groupes, comme des défenseur.e.s des normes que sont la police et la gendarmerie pour celles et ceux qui consomment des stupéfiants. Enfin, elles essayeront de faire preuve d’ingérence en proposant de modifier la législation ou en tentant d’influer sur la direction que prend une structure associative d’allié.e.s des consommateurs et consommatrices.
Ces allié.e.s, vont développer une souveraineté qui porte généralement sur la capacité à protéger les intérêts supposés des consommatrices et consommateurs et l’indépendance de leur structure, par rapport à l’État ou au secteur privé, par exemple. Ils tenteront d’ingérer dans les actions des consommateurs et consommatrices et de l’État principalement.
Les deux types de criminalité vont chercher à pouvoir réaliser leurs actions illégales avec le moins de risques possibles, et vont beaucoup se protéger contre l’ingérence de l’État et des défenseur.e.s des normes, mais aussi des autres criminel.le.s, tout en tentant d’atteindre à la souveraineté de toutes les autres catégories.
Les créateurs et créatrices de normes comme les défenseur.e.s vont chercher la souveraineté dans leur organisation, leur mouvement, tout en essayant de se protéger contre qui chercherait à le modifier. Ils et elles tenteront surtout d »agir sur la souveraineté des consommateurs et consommatrices, mais aussi des criminel.le.s.
Les États et structures de gouvernance vont tenter de réguler la souveraineté de toutes les autres catégories, et protégeront la leur principalement des autres structures de gouvernance, des industries et de la criminalité d’importance. Ce seront aussi leurs trois cibles préférées pour pratiquer l’ingérence.
Les entreprises et industries chercheront à pouvoir contrôler toute la gestion de leurs structures et à les protéger face à l’Etat, aux créatrices et créateurs et défenseur.e.s des normes ainsi qu’aux consommateurs et consommatrices. Les structures de gouvernance et les consommateurs et consommatrices étant leur principale cible pour exercer leur ingérence.
Enfin, les expert.e.s vont défendre comme leur territoire leurs espaces de recherche et d’expression, surtout contre l’ingérence d’autres expert.e.s, mais aussi des entreprises et industries, ou des défenseur.e.s des normes. Selon leur positionnement, ils tenteront de modifier potentiellement la souveraineté de toutes les autres catégories.
La santé :
La santé est un autre des enjeux majeurs du neuropouvoir. Elle peut être individuelle ou publique, selon le mode d’appréhension de l’enjeu par la catégories observée.
La santé existe comme enjeu de deux grandes manières :
-Les neurochimiques sont des substances extérieures qui, pour être consommées, nécessitent d’être introduites dans le corps humain. Comme toute introduction dans le corps d’éléments extérieurs, la prise de neurochimiques peut engendrer des effets secondaires à l’effet psychotrope sur ce dit corps. Certains vont être toxiques, neurotoxiques et/ou addictifs, d’autres non. D’autres pourront être préventives ou médicinales, ou anti-addictives. Certains de ces effets seront recherchés, pour la médecine (comme l’anesthésie produite par la morphine) ou pour la guerre (comme l’addiction des opiacés lors des Guerres de l’opium), ou pour d’autres raisons encore ; ou bien fuis, ou considérés comme des dommages collatéraux.
Ces effets directs sur le corps vont être le premier enjeu de santé du neuropouvoir.
-Les neurochimiques sont des biens dont une partie est illégale, que ce soit en tant que stupéfiant ou en tant que contrebande. Ils peuvent être coupés à des produits plus ou moins dangereux, et être entourés de dangers physique de divers types (agressions, assassinats, répression policière, guerres…). Ils vont donc avoir des implications sociales impactant directement, généralement en négatif, sur la santé des individus.
Ces effets indirects sur le corps vont être le second enjeu de santé du neuropouvoir.
Globalement chaque catégorie va essayer de protéger la santé des individus qui la composent ou la soutiennent et tenter de nuire à la santé des individus d’autres catégories lorsqu’elle y voit un intérêt. Certains protégeront aussi la santé d’une ou plusieurs catégorie(s) considérées comme alliées. Il faut bien comprendre que la santé est ici un enjeu politique, qui recouvre partiellement la réalité sociale de la santé, mais n’est pas à comprendre selon les mêmes logiques. Certain.e.s, par exemple, allié.e.s des consommateurs et consommatrices ont ainsi une vision de ce qui est bon pour la santé de celles et ceux-ci qui peut différer de ce qui est bon d’un point de vue objectif et médical pour leur santé. En tant qu’enjeu, la santé n’a pas les mêmes propriétés qu’en tant que réalité objective et médicale.
Les consommateurs et consommatrices protègent ainsi généralement du mieux qu’ils peuvent leur santé, encore que des contre-exemples puissent être fournis. Ils peuvent aussi protéger la santé des non-consommateurs et non-consommatrices, et se protégeront elles et eux-mêmes contre les atteinte à leur santé de la part de membres de la criminalité ou contre les défenseur.e.s des normes, ainsi que contre les industries, s’ils et elles en ont les moyens.
Les allié.e.s protégeront d’abord les consommateurs et consommatrices, mais aussi les non-consommateurs et non-consommatrices et leur propre catégorie. La plupart du temps contre les atteintes portées par le produit, les entreprises et la criminalité, principalement.
Les deux types de criminalité n’auront tendance qu’à protéger la santé de leurs membres, ou plutôt de ceux qui obtiennent suffisamment de pouvoir pour organiser une défense efficace, et à atteindre à celle de toutes et tous si besoin est.
Les structures de gouvernance protégeront généralement la santé publique (censée être celle de l’ensemble de la population sous leur garde) contre les atteintes de la criminalité, principalement, mais aussi des entreprises. Elles nuiront si besoin est à la santé publique d’autres structures de gouvernance, à celle de certaines consommatrices et consommateurs, ainsi qu’à celle des membres de la criminalité.
Les défenseur.e.s comme les créatrices et créateurs de normes vont avoir des configurations très variables sur ce sujet, comme il s’agit de catégories incluant des individus, mouvements, organisations extrêmement diverses. Généralement ils tenteront de protéger la santé publique et la leur, contre les atteintes pouvant provenir de toute part.
Les entreprises sont moins portées par les actions en regard de la santé, encore que celle de leurs employés et l’efficacité de leurs médicaments ou la correcte préparation de leur alcool ou tabac puissent être surveillées, notamment pour éviter des procès. Du reste, la protection de la santé reste malheureusement souvent secondaire par rapport aux bénéfices.
Finalement, les expert.e.s peuvent protéger la santé des consommateurs et consommatrices, ainsi que des non-consommateurs et non-consommatrices, mais aussi de leurs allié.e.s, toutefois, cela n’est pas forcément le cas. Selon les expert.e.s, ils et elles vont défendre ces santés contre les attaques de toutes les autres catégories, surtout celles disposant de pouvoir (criminalité, États, industries et autres expert.e.s).
La vérité :
Enjeu foucaldien par excellence, la vérité est au centre des luttes de pouvoir menées par le discours. Il s’agit pour chaque partie liée à ces luttes de fournir un discours qui vient sous-tendre ses actions, les justifier, les rationaliser. Il ne s’agit pas de la vérité au sens de vérité absolue, mais plutôt, au sens de vérité subjective, de vision de la vérité des neurochimiques.
Cette vérité subjective change selon les acteurs, qui vont chercher une cohérence entre leurs actions et leurs discours, les deux étant censés se soutenir mutuellement. Nous parlerons donc de vérité des acteurs et actrices, et pas de vérité tout court.
En effet, chaque catégorie, en grandes tendances, chaque sous-catégories, en tendances plus stables, mais aussi chaque institution, actrice et acteur va proposer une version de la vérité des neurochimiques. Bien sur, il n’est pas nécessaire que cette vérité comprenne dans son analyse l’ensemble des neurochimiques, chacune des parties citées ci-dessus pouvant avoir des intérêts plus spécifiquement centrés sur une substance ou groupe de substances.
Il s’agit d’un enjeu de discours, et le polymorphisme des vérités qui en découle fait qu’il est difficile de présenter les grands axes de l’enjeu de vérité des neurochimiques sans le faire au sein d’une présentation plus large de l’histoire du neuropouvoir et de ses détails. Le discours de vérité change en permanence, même au cours du temps pour un individu ou une institution/organisation donnée, et perd tout son sens sorti de son contexte.
On peut toutefois déjà dire que les expert.e.s joueront un rôle pivot dans l’articulation des réseaux de discours portant sur les neurochimiques, qui en produisent eux et elles-mêmes, mais leur discours est réapproprié, surtout dans les sociétés contemporaines, à qui la caution scientifique et le rationalisme sont chers, par l’ensemble des autres catégories qui l’intégreront au leur pour en appuyer la véracité. Les expert.e.s et leurs discours sont donc la pièce maîtresse de cet enjeu.
Je développerais plus dans la prochaine partie l’influence de la vérité dans les jeux du neuropouvoir, car si je passe rapidement dessus ici, il ne s’agit pas moins d’un des enjeux majeurs, dont l’importance est capitale pour l’ensemble des acteurs et actrices agissant au moins en partie dans la légalité, et même dans une certaine mesure, pour les autres.
Le capital économique
Le capital économique ne rentre que peu dans les considérations de Foucault sur le pouvoir. A mon avis, les disparités d’accès aux ressources économiques sont si criantes entre les différentes actrices et acteurs liés au neuropouvoir qu’il faut insister un peu plus dessus que pour, par exemple, l’analyse du pouvoir et du discours sur la sexualité ou la folie. Par le neuropouvoir sont liés entre eux des consommateurs et consommatrices de pays pauvres et des grands capitalistes, des narco-trafiquants dotés d’armées ou des services secrets de puissances géopolitiques majeures de pays dits développés, séparés par un fossé gigantesque de moyens financiers et matériels. La mondialité du neuropouvoir couplé à une dimension férocement capitaliste du marché des neurochimiques mettent en relation des individus et institutions dont les pouvoirs économiques respectifs sont sans commune mesure. Il est aussi possible que la mondialisation générale de l’économie et les processus de plus en plus concentrateurs de l’accumulation du capital à l’ère néolibérale (dont les fonctionnements sont décrits par Thomas Piketti dans Le Capital au XXIe siècle) renforcent de façon générale l’importance de la donnée économique dans les jeux de pouvoir par l’accroissement des inégalités économiques au niveau mondial.
L’argent est donc très inégalement réparti entre les individus et institutions participant des jeux du neuropouvoir, entre les plus pauvres et les plus riches. A titre d’exemple, le chef du cartel mexicain de Sinaloa, Joaquin Guzman Loera, a été classé par le magazine Forbes 67ème sur la liste des Powerfull people en 2013, et 1153e sur celle des milliardaires en 2012. Un tel individu, à la tête d’une organisation criminelle engrangeant des bénéfices colossaux écrase complètement de son poids économique les consommateurs et consommatrices de pays pauvres ou en voie de développement.
Les catégories les mieux fournies économiquement sont les structures de gouvernances, les industries, les organisations de la grande criminalité. A l’inverse, les membres des autres catégories ont rarement un capital qualifiable d’important. Certains des consommateurs et consommatrices, notamment, vivent même avec très peu de moyens, voir presque pas.
Là encore, les liens sont complexes, d’autant que beaucoup sont faits avec d’autres pans de l’économie. Je vais toutefois décrire brièvement les grands axes économiques internes à l’économie des neurochimiques.
Les consommateurs et consommatrices vont acheter des substances aux industries et à la petite criminalité, qui se fournira auprès de la grande. Les structures de gouvernance tendent à essayer de réguler ces transactions.
Au niveau international, on peut distinguer des économies illégale micro-locales, locales et transcontinentales et des économies légales principalement de production/consommation de masse.
Les économies illégales micro-locales formées de circuits où l’ensemble des transactions concernant une production se font en un ou deux passages de mains. Il s’agit de petites productions d’alcool ou de cannabis, par exemple que les producteurs ou productrices consomment et/où vendent à une poignée de personnes, rarement au delà des alentours de leur commune de résidence. Y rentrent aussi les petits trafiques d’ordonnances et de médicaments.
Les économies locales peuvent impliquer la grande délinquance. Elles reposent sur des circuits où toutes les étapes de la production à la consommation se font sur le même continent, voire sur le même pays, la même région où la même agglomération (pour les plus grandes villes). Toutefois, les pays producteurs et consommateurs, le cas échéant, sont relativement proches d’un point de vue locatif et économique. L’économie des stupéfiants -de synthèse, notamment- ou de certaines entreprises de contrefaçon d’alcool, de médicaments ou de cigarettes rentrent dans ce type d’économie. Par exemple, la 3,4méthylènedioxy-méthamphétamine, appelée couramment MDMA ou ecstasy quand présentée sous forme de comprimée, consommée en Europe provient principalement des pays de l’Est de l’Europe (source International Narcotic Control Board ici). De même, la méthamphétamine consommée aux États-Unis d’Amérique est en grande partie produite au sein même du pays dans des laboratoires clandestins, laissant pour trace les saisies de précurseurs -éphédrine et pseudoéphédrine- de la méthamphétamine (les molécules qui peuvent être transformées en methamphétamine ; source INCB ici).
Les économies illégales transcontinentales impliquent des circuits reliant au moins deux continents. Il s’agit des circuits des stupéfiants d’extraction, mais aussi des grands circuits de contrebande de produits légaux, alcool, cigarettes, médicaments. Par excellence, ce sont les circuits de la cocaïne et de l’héroïne, deux substances provenant de plantes (la coca, erythroxylum coca et le pavot à opium, papaver somniferum) cultivées dans des pays relativement pauvres et politiquement instables, qui doivent y être extraites (et transformées) pour être exportées et vendues dans les pays dits développés (Europe, Amérique du Nord) ou en voie de développement (Asie du Sud-Est, Europe de l’Est, certains pays d’Afrique), où elles seront consommées.
Enfin, les économies légales font généralement intervenir de plutôt grosses entreprises, surtout pour le tabac et les médicaments, mais également pour l’alcool. Les produits servant à l’élaboration de ceux-ci peuvent provenir de n’importe où pour les médicaments (la plupart des molécules de la pharmacopée contemporaine étant même synthétisées) ou l’alcool (qui est produit aux quatre coins du globe). Le tabac provient, lui, majoritairement d’Amérique du Nord. Ces produits sont vendus dans la plupart des pays du monde, les pays occidentaux étant toutefois la cible privilégiée de l’industrie du médicament du fait du plus fort pouvoir d’achat de leur population.
Le prestige :
le dernier des enjeux que je développerais ici est le prestige, que l’on peut associer à la notion éponyme de Max Weber ou au capital symbolique de Pierre Bourdieu.
Le prestige représente le pouvoir qu’une institution ou un individu possède et qui correspond au pouvoir dégagé par l’agrégation d’autres pouvoirs, un pouvoir d’ordre symbolique émanant de la réputation associée à son statut. Le prestige est en quelque sorte le pouvoir venant de l’anticipation de l’effet du pouvoir d’une institution ou d’un individu par les autres institutions et individus.
Mais le prestige est aussi un pouvoir en soi, en ce qu’il fourni l’autorité symbolique utile ou nécessaire à certaines tâches. Cette autorité peut s’exprimer sous des formes que l’on considérerait généralement comme positives (comme la confiance), aussi bien que négatives (comme la terreur) ou relativement atones (comme la loi), l’important étant que cette autorité est comme un pouvoir à crédit dont l’ampleur serait corrélative du pouvoir réel de l’institution ou organisation.
Par exemple, les mafias empêchent bon nombre d’accusations ou procès par la terreur qu’elles évoquent, car elles sont symbole du danger représenté par leur organisation concrète et son pouvoir. Par l’accumulation de pouvoir et d’action symbolique marquante (assassinats, passages à tabac, vandalisme, etc), les mafias s’entourent d’une aura de danger et de peur qui les rend encore plus puissantes car peu sont celles et ceux qui acceptent de risquer d’être victime d’une vengeance pour s’être opposé à la mafia locale, ajoutant l’émotion (la crainte) à l’inquiétude logique face à une telle organisation. En limitant par leur prestige la capacité d’action de leurs ennemi.e.s potentiels, les mafias augmentent indirectement leur propre pouvoir.
Le prestige est également contagieux. C’est à dire que l’on peut « emprunter » le prestige d’une autre institution ou individu, en se réclamant de lui, par exemple, ou carrément lui « voler », en le ridiculisant, par exemple. Ainsi les acteurs et actrices auront tendance à se reposer les un.e.s sur les autres, et à se servir des impressions dégagées par l’état des rapports de force qu’ils et elles entretiennent. Pour reprendre l’exemple de la mafia, une mafia paraîtra -et donc sera- d’autant plus puissante si la population locale pense ou sait que le pouvoir politique local est impuissant ou corrompu, et qu’il n’est donc pas apte, malgré son pouvoir, à lutter contre la mafia. Le prestige est donc très mobile sur les axes des rapports de force.
Les individus et institutions ayant le plus de prestige proviennent surtout des catégories des défenseur.e.s des normes, des structures de gouvernance, des membres et organisations de la grande criminalité et de l’industrie. Les allié.e.s des consommateurs et consommatrices, les créateurs et créatrices de normes et les expert.e.s peuvent également atteindre un niveau relativement élevé de prestige, mais limité par leur pouvoir moins étendu.
Les transferts de prestiges se font dans tous les sens, les individus et institutions pouvant en emprunter ou en voler à presque n’importe qui, selon le contexte.
Enfin, le prestige venant de l’appréciation subjective du pouvoir objectif, il est en quelque sorte un pouvoir « passif », qui n’a pas besoin d’être mobilisé pour être efficient, et est donc actif dans toutes les directions (bien que ce puisse être à des intensités variables).